Introduction
La psychoéducation peut être définie comme une approche thérapeutique combinant des éléments éducatifs et psychologiques pour aider un patient à mieux comprendre son trouble et vivre avec au quotidien.
Selon Lukens et McFarlane (2004), il s’agit d’un processus structuré visant à fournir aux patients et à leurs familles des informations sur une maladie ou un handicap, des stratégies d’adaptation et des compétences de résolution de problèmes afin d’améliorer leur bien-être et leur fonctionnement.
Malgré la recrudescence des programmes de psychoéducation au sein des troubles du neurodéveloppement (TND), concernant notamment le TSA (Ladarola et al., 2018 ; Smith DaWalt et al., 2018 ; Connan 2019) et le TDAH (Clément, 2013 ; Bioulac et al. 2024 ; Romo et Taquet, 2024), la littérature demeure très pauvre à propos du trouble développemental de la coordination (TDC).
Le modèle de la CIF-EA (OMS, 2007) et la synthèse des recommandations INSERM sur le TDC (2019) encouragent pourtant à un modèle d’intervention global, contextualisé, incluant l’enfant, ses parents et son environnement (pairs, école, loisirs…).
Concernant l’accompagnement du TDC, les terminologies de psychoéducation et d’éducation thérapeutique renvoient à des modalités d’intervention quasi similaires tant ces domaines sont encore peu développés.
Nous proposons le partage de quelques axes psychoéducatifs que nous utilisons quotidiennement en tant que psychomotriciens D.E, professionnels de santé, spécialisés dans l’accompagnement du TDC et plus largement des troubles praxiques.
(Infographie à télécharger en fin d’article)
Rappels sur le TDC
Le TDC se caractérise par des difficultés dans l’acquisition et l’exécution d’habiletés motrices, se traduisant par des maladresses, de la lenteur et des imprécisions. La position française rend équivalente la terminologie du TDC à celle de la dyspraxie, bien que cette dernière ne soit quasiment plus utilisée à l’international (Rapport INSERM, 2019).
Les critères diagnostiques (DSM-5) s’organisent en quatre points : la présence de maladresse dans les tâches motrices ; l’impact fonctionnel significatif dans la vie quotidienne ; la présence de symptômes persistants depuis l’enfance et l’exclusion différentielle d’un autre trouble médical pouvant mieux expliquer ces difficultés.
Nous avons déjà évoqué les questions de l’évaluation et des approches thérapeutiques adaptées lors d’un précédent article : l’iceberg du TDC

Cinq axes de psychoéducation
La psychoéducation pour un jeune patient avec un TDC vise à lui fournir, ainsi qu’à son entourage, une meilleure compréhension de son trouble, à améliorer sa perception de ses capacités et à développer des stratégies pour compenser ses difficultés au quotidien. Voici quelques axes (non exhaustifs) que nous proposons dans ce but, répartis sur plusieurs séances :
1- Comprendre le TDC
→ L’objectif est d’expliquer au jeune et à ses parents les caractéristiques du TDC, en mettant en évidence pourquoi certaines tâches lui sont plus difficiles. Nous insistons sur le fait que cela n’est en aucun cas dû à un manque d’efforts et utilisons des mots simples et des analogies adaptées à l’âge de l’enfant pour faciliter sa compréhension.
🗣️ Exemples :
« Avoir un TDC c’est être un peu ou très maladroit, selon les situations, mais sans le faire exprès ! »
« C’est quand le cerveau a du mal à envoyer les bons messages aux muscles pour bien bouger. C’est plus difficile et ça demande plus d’efforts. »
« Si quelqu’un a du mal à comprendre autour de toi, tu peux lui demander d’essayer d’écrire avec des moufles ! »
L’enfant avec un TDC peut éprouver des difficultés à courir, sauter, attacher ses lacets, écrire ou encore jouer avec un ballon de façon fluide mais nous insistons sur le fait qu’avec un entraînement régulier et un accompagnement adapté, il peut progresser et gagner en aisance.
La sensibilisation des parents et des enseignants autour du TDC leur permettra d’améliorer leur regard sur l’enfant, entraînant la plupart du temps :
- une diminution du risque de stigmatisation
- une augmentation de la patience et de la tolérance à son égard
- une adaptation des exigences
Nous les invitons à se focaliser davantage sur les efforts de l’enfant que sur ses échecs. Ils seront probablement demandeurs de stratégies efficaces qu’ils pourront utiliser à leur niveau, ce qui constituera notre deuxième axe.
2- Mettre en place des stratégies d’adaptation et favoriser l’autonomie
→ L’objectif est d’apprendre à l’enfant des moyens concrets pour gérer ses difficultés dans différentes activités.
🗣️ Exemples :
« Nous avons vu en séance qu’énumérer les étapes d’exécution avant de les faire pouvait t’aider, tu devrais le faire plus souvent, même tout seul ! »
« N’hésite pas à décrire oralement ce que tu fais lorsque tu réalises une action compliquée afin de mieux organiser tes mouvements. »
« Pour moins te cogner, n’oublie pas de bien regarder ton environnement et ne pas aller trop vite ! »
« Essaye de repérer les étapes clés dans la séquence motrice. »
« Dès que tu fais deux choses en même temps, ça devient trop compliqué. »
« Tu peux regarder les vidéos que je t’ai envoyé sur les actions que tu ne maîtrises pas encore. »
Encourager l’enfant à participer activement à l’élaboration de ses propres solutions favorise son autodétermination, une compétence précieuse tout au long de sa vie lors de chaque nouvel apprentissage moteur.

ID 207584725© Colorfuelstudio Dreamstime.com
Il est essentiel d’expliquer à l’enfant qu’il existe plusieurs manières d’atteindre un même objectif. L’enjeu est de l’encourager à explorer et adopter ses stratégies personnelles, son propre « chemin » vers la réussite de ses exécution. Ce qui importe avant tout, est que le geste soit fonctionnel, même s’il diffère de celui des autres dans la techniques employée.
Les principes actifs des approches recommandées dans le TDC : CO-OP (Polatajko, Mandich, 2004) et NTT (Schoemaker, Smits-Engelsman et al., 2003) constituent une « boite à outils » particulièrement intéressante pour inspirer les thérapeutes (psychomotriciens, ergothérapeutes…) quant aux stratégies à tester en séance et pouvant se généraliser hors de l’espace du cabinet.
Par ailleurs, c’est l’occasion de conseiller un certain nombre d’outils facilitant la motricité de l’enfant selon ses difficultés quotidiennes (feuille lignée, règle antidérapante, ciseaux à ressort, lacets de serrage automatique, etc.) et de consolider le contact avec l’enseignant.e pour évoquer les adaptations pédagogiques pertinentes (réduction quantitative de l’écriture, tolérance particulière concernant la géométrie ou l’EPS, éviter les situations de double-tâche, etc).
Pour les personnes adolescentes et/ou adultes avec TDC, la guidance s’axera sur des activités adaptées à l’âge comme l’apprentissage de la conduite ou l’optimisation de séquences motrices exigeantes dans le cadre professionnel et/ou des loisirs.
3- Sensibiliser à l’apprentissage moteur
→ L’objectif est que l’enfant puisse bénéficier d’éléments de compréhension à la question : comment apprend-t-on un geste ?
Sans entrer dans des considérations théoriques complexes, il est utile d’expliquer simplement à l’enfant ou à l’adolescent le processus qui mène à la maîtrise d’une habileté motrice. Cela favorisera la prise de conscience et l’auto-réflexion de la personne sur ses expériences d’apprentissage.
L’apprentissage moteur est le processus qui permet au cerveau et au corps d’apprendre un nouveau mouvement jusqu’à le rendre automatique. En voici les étapes principales :
- Comprendre le mouvement : Pour bouger efficacement, tu dois savoir quoi faire et comment le faire. On observe, on écoute, et on se fait une image mentale du mouvement.
- Essayer et ajuster : On commence à tester le mouvement. C’est souvent maladroit au début, mais chaque essai permet de mieux sentir comment ton corps doit bouger.
- Corriger et affiner : Grâce à ce que tu vois, à ce que tu ressens dans ton corps et aux conseils du thérapeute (on appelle cela des « feedbacks »), tu peux corriger tes gestes pour qu’ils soient plus précis et plus efficaces.
- Répéter et stabiliser : La répétition renforce les connexions dans le cerveau rendant le mouvement plus fluide et régulier.
- S’entraîner dans différentes situations : Une fois le mouvement acquis, il faut le tester dans d’autres contextes (vitesses différentes, surfaces variées, avec distractions…). Cela renforce sa maîtrise et prépare à une exécution fluide dans des conditions réelles.
- Tendre vers l’automatisation : Avec de l’entraînement, le mouvement devient quasiment automatique. Tu n’as plus besoin d’y penser tout le temps !
💡 En résumé :

Les séances de psychomotricité peuvent être un excellent espace pour expérimenter des situations ludiques d’apprentissage moteur tout en renforçant par ailleurs les habiletés motrices fragiles de l’enfant.
4- Développer une meilleure estime de soi
→ L’objectif est d’aider le jeune à prendre conscience de ses forces tout en évitant de se dévaloriser.
Ce travail repose notamment sur des points de discussions autour des ressources personnelles.
🗣️ Exemple :
« Si la motricité n’est pas ton point fort, tu peux développer des talents dans d’autres domaines comme la lecture, la géographie, l’expression orale, l’humour…»
Un volet de l’accompagnement pourra viser au développement chez l’enfant la répartie et l’autodérision, des outils précieux pour faire face aux moqueries éventuelles.
Améliorer sa gestion des émotions, de l’échec, de la frustration et de la persévérance lui sera également très utile. Le psychomotricien dispose de différents dispositifs pour travailler autour de ces dimensions (jeux à médiation corporelle, relaxation, gestion du stress, parcours moteurs avec contraintes évolutives, encouragement de la verbalisation autour de la régulation émotionnelle, outils sensoriels…).
5- Le choix d’activité sportive ou artistique adaptée
Les limitations motrices peuvent, à terme, affecter la santé et le bien-être des enfants atteints de TDC. Ils sont plus sujets que les autres à développer du surpoids ainsi que des troubles internalisés tels qu’une faible estime de soi, de l’anxiété ou un état dépressif (Zwicker et al., 2013 ; Nobre et al., 2023). L’inscription dans une activité physique, qu’elle soit sportive ou artistique, apparaît ainsi fondamentale.
Les sports d’équipe (basketball, football…) peuvent être difficiles à appréhender en raison de la multitude d’informations que l’enfant doit gérer : porter son attention sur ses propres actions tout en surveillant son environnement. De plus, l’esprit de compétition qui y règne peut accentuer la pression sur la performance. Les sports de raquettes (ping pong, badminton…) génèrent moins de stress de par leur pratique individuelle, mais peuvent s’avérer plus complexes à maîtriser au départ en raison des exigences techniques : gestion de la raquette, contrôle de la balle ou du volant, rapidité des échanges, etc.). Ils sont néanmoins très intéressants pour renforcer la coordination entre l’oeil et la main. Les sports d’opposition (judo, arts martiaux, lutte…) ou encore la natation peuvent être adaptés car ils permettent à l’enfant de développer son endurance, sa souplesse et sa force dans un cadre ludique, tout en favorisant la coordination des gestes de manière naturelle.
Les activités artistiques (danse, cirque…) constituent des choix pertinents car éliminant le facteur compétitif et/ou l’attente de résultats. Ils peuvent faire émerger plus aisément la créativité de l’enfant en plus de son aisance motrice.
Au-delà de la discipline, le choix sera quoiqu’il en soit guidé par la bienveillance du professeur et la motivation de l’enfant envers l’activité pratiquée.
Nous connaissons de nombreux exemples d’enfants pour lesquels une activité semblait difficile au départ (batterie, danse…) mais qui ont fini par exceller grâce à leur persévérance !
Conclusion
La mise en place de psychoéducation auprès de la personne TDC peut permettre :
- Une meilleure compréhension et acceptation du trouble par l’enfant et son entourage
- Une amélioration de l’autonomie et de l’adaptation aux défis moteurs du quotidien
- Une réduction de l’anxiété et du stress liés aux difficultés motrices ainsi qu’une préservation de l’estime de soi
- Une meilleure collaboration entre l’enfant, les parents et les enseignants (école et loisirs)
Nous encourageons la recherche afin de développer à de véritables Programmes d’Education Thérapeutique (ETP), structurés et spécifiquement adaptés aux personnes avec un TDC.
Aurélien D’Ignazio, Psychomotricien D.E
Merci à Oceanie Le Borgne (l’infographie !) et Florence Roger pour la qualité de leurs relectures.

Bibliographie
American Psychiatric Association (2013-2015). DSM-5 : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (5e éd.). (M.-A. Crocq, & J.-D.Guelfi, Trads.). Elsevier Masson
Bioulac, S., Blanc, J.-P., Desgrez, V., Egaud, C., Franc, N., Gétin, C., Iannuzzi, S., Joseph, F., Laury, M., Marquet Doleac, J. et al. (2024). Qu’entend-on par psychoéducation dans le TDAH de l’enfant et de l’adolescent ? A.N.A.E. – Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant.
Clément, C. (2013). Le TDAH chez l’enfant et l’adolescent. Dunod.
Connan, A. (2019). Un programme de psychoéducation pour les adultes avec autisme sans déficience intellectuelle. Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 29(3), 140–148.
Ladarola, S., Levato, L., Harrison, B., Smith, T., Lecavalier, L., Johnson, C., Swiezy, N., Bearss, K., & Scahill, L. (2018). Teaching parents behavioral strategies for autism spectrum disorder (ASD): Effects on stress, strain, and competence. Journal of Autism and Developmental Disorders, 48(4), 1031–1040. https://doi.org/10.1007/s10803-017-3339-2
Lukens, E. P., & McFarlane, W. R. (2004). Psychoeducation as evidence-based practice: Considerations for practice, research, and policy. Brief Treatment and Crisis Intervention, 4(3), 205–225. https://doi.org/10.1093/brief-treatment/mhh019
Nadeau, M.-F., Normandeau, S., & Massé, L. (2015). TDAH et interventions scolaires efficaces : fondements et principes d’un programme de consultation individuelle. Revue de psychoéducation, 44(1), 1–23. https://doi.org/10.7202/1039268ar
Nobre, G. C., Ramalho, M. H. da S., Ribas, M. de S., & Valentini, N. C. (2023). Motor, physical, and psychosocial parameters of children with and without developmental coordination disorder: A comparative and associative study. Children, 10(2), 276. https://doi.org/10.3390/children10020276
Organisation mondiale de la Santé. (2007). Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé : Version pour les enfants et les adolescents (CIF-EA). Organisation mondiale de la Santé.
Polatajko, H. J., & Mandich, A. (2004). Enabling occupation in children: The cognitive orientation to daily occupational performance (CO-OP) approach. Ottawa: CAOT Publications ACE.
Rapport INSERM – Expertise collective (2019). Synthèse et recommandations. Trouble développemental de la coordination ou dyspraxie.
Romo, L., & Taquet, P. (2024). Psychoéducation du TDAH, première étape des soins. Santé Mentale, (292), 6.
Schoemaker, M.M., Niemeijer, A.S., & Smits-Engelsman, B.C.M. (2003). Effectiveness of Neuromotor Task Training for Children with Developmental Coordination Disorder. Neural Plasticity, 10(1–2), 155–168. https://doi.org/10.1155/NP.2003.155
Smith DaWalt, L., Greenberg, J. S., Mailick, M. R., & Taylor, J. L. (2018). Transitioning Together: A multi-family group psychoeducation program for adolescents with ASD and their parents. Journal of Autism and Developmental Disorders, 48(1), 251–263.
Zwicker JG, Harris SR, Klassen AF. (2013). Quality of life domains affected in children with developmental coordination disorder: a systematic review. Child Care Health Dev. 2013 Jul;39(4):562-80. doi: 10.1111/j.1365-2214.2012.01379.x.
Laisser un commentaire