Mieux comprendre le test de Stroop
- Interprétation par épreuves
- Le score d’interférence
- Le score d’erreur
- Interprétation globale
- Exemples
Le test de Stroop est utilisé dans sa forme actuelle (1999, Albaret & Migliore) pour évaluer l’attention sélective (capacité de sélection d’informations pertinentes en présence de distracteurs) chez l’enfant et l’adolescent (entre 8 et 15 ans).
La création de ce test remonte à 1935, lorsque JR Stroop cherchait des conditions expérimentales pour étudier l’interférence (terme issu de la physique pour désigner l’interaction entre deux ondes mais employé ici pour décrire la situation de « compétition » entre deux tâches cognitives, entrainant la nécessité d’inhibition de l’une d’entre elle pour traiter l’autre plus efficacement). Cette condition particulière d’interférence entre la couleur et la lecture d’un mot sera appelée plus tard « Effet Stroop ».
De nombreuses variations de protocoles ont été proposées par la suite, à la recherche de troubles comportementaux et/ou attentionnels (Golden, 1978 ; Bayard., Erkes, & Moroni, 2007 ; Allan, Gibson & Green, 1979 ; Biersner & Cameron, 1970). Les travaux sur l’effet Stroop ont également mis en évidence un effet d’interférence plus important chez les personnes âgées par l’altération de la capacité à inhiber une réponse automatique (Cohn, Dustman & Bradford, 1984 ; Spieler & al, 1996 ; West & Baylis, 1998 ; Klein, 1997 ; Wecker et Kramer, 2000).
Nous nous intéresserons à la version susceptible d’être utilisée lors d’un bilan psychomoteur standardisé et réfléchirons ainsi aux interprétations envisageables. Le protocole complet de ce test est disponible aux ECPA.
Pour prendre un bon départ dans la compréhension des résultats chiffrés d’un test, voir cet article).
Interprétation par épreuve
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Épreuve 1
« Lire le plus vite possible un maximum de mots imprimés en noir et blanc sur la carte A en 45 seconde »
Il s’agit d’une tâche de lecture simple en l’absence de tout distracteur. Cette épreuve évalue la vitesse de lecture oralisée de l’enfant par rapport à la moyenne des garçons ou filles de son âge.
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Épreuve 2
« Lire le plus vite possible un maximum de mots imprimés en couleurs diverses sur la carte B en 45 secondes »
Il s’agit à nouveau d’une tâche de lecture mais avec légère interférence (car il faut lire tout en ignorant la couleur d’impression).
Remarque : On relève souvent peu de différence avec l’épreuve 1 concernant la vitesse de lecture. Néanmoins, un ralentissement modéré s’explique par un traitement perceptif légèrement plus complexe.
= L’observation des épreuves 1 et 2 combinées permet de rendre compte de l’interférence de la couleur des mots sur la lecture.
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Épreuve 3
« Nommer la couleur d’un maximum de rectangles sur la carte C en 45 secondes »
Il s’agit d’une tâche simple de dénomination de couleurs. Il n’ y a donc pas de situation d’interférence mais la modification de la consigne rend cette épreuve sensible à la nouveauté.
Remarque : On remarquera souvent un ralentissement car la dénomination de couleur est un processus moins automatisé que la lecture.
= Un score chuté suggère une difficulté d’adaptation à la nouveauté, autrement dit un manque de flexibilité mentale (sauf bien sûr si le soucis initial est la méconnaissance des couleurs mais ce qui est peu probable compte tenu de l’âge de passation du test).
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Épreuve 4
« Nommer un maximum de couleurs sur la carte B en 45 secondes »
Il s’agit d’une tâche avec grande interférence (les processus inhibiteurs sont en effet sollicités pour ignorer le texte écrit lors de la dénomination des couleurs).
Remarque : On constate systématiquement un ralentissement important de la vitesse de dénomination (dû à « l’effet d’interférence couleur-mot » ou « effet stroop »). La difficulté réside au traitement double des stimuli (sélection/inhibition de la bonne tâche entre lecture et dénomination).
L’observation des épreuves 3 et 4 combinées permet de mesurer l’interférence des mots sur la dénomination des couleurs.
= Un score chuté à l’épreuve 4 met en exergue la fragilité de l’attention sélective (à pondérer avec le score d’interférence).
Le score d’interférence (SI)
Le score d’interférence correspond à la différence entre le score de l’épreuve 3 et celui de l’épreuve 4 (score brute obtenu à la carte C – score brute à la carte D).
= Il confronte l’efficacité des processus inhibiteurs avec les capacités de lecture.
= Ainsi le SI correspond à un indice de distractibilité qui met en exergue les capacités du sujet à maintenir son attention sur une cible en présence de distracteurs.
Remarque : Attention car il s’agit d’un score de dégradation. Autrement dit, meilleures seront les capacités du sujet à résister à l’interférence, et plus son SI sera petit (Lors de son compte-rendu, le praticien peut préciser qu’il s’agit d’un score de dégradation mais il peut aussi « inverser » le signe du résultat afin d’en simplifier sa compréhension pour le lecteur).
Le score d’erreur (SE)
Reflété par la somme des hésitations et des erreurs (x2), il permet de rendre compte d’un défaut d’inhibition et peut refléter un indice d’impulsivité.
Interprétation globale
Pour une interprétation globale pertinente il est nécessaire de considérer :
- Le degré d’automatisation du sujet sur la tâche de lecture (épreuve 1) car une lecture lente et peu automatisée limite la portée du test (car minorant la nécessité d’inhibition).
- Les 3 premiers scores, qui reflètent essentiellement les capacités de lecture et de concentration (avec l’adaptation à la nouveauté) tandis que le score 4 permet un focus sur les processus inhibiteurs.
- Le SI, qui permet plus finement de mettre sur la piste d’une fragilité attentionnelle car il permet dans son rapport (C-D) de prendre en compte l’automatisation (ou la non automatisation) de la dénomination des couleurs (carte C) qui augmenterait (ou diminuerait) la difficulté de résistance à l’effet Stroop (carte D).
Exemples
Exemple 1 (cas typique sans difficultés)
Exemple 2 (cas typique de fragilité attentionnelle)
Exemple 3 (cas particuliers, plus difficilement interprétables)
Certains cas de figure demandent une « gymnastique mathématique » pour saisir la subtilité des résultats.
Il est bon de retenir globalement que :
-si les scores bruts sont bons à la carte C ainsi qu’à la carte D, le SI sera dans la norme (sauf cas rare où le résultat de C est très supérieur à celui de D).
-lorsque le sujet obtient de bons résultats à la carte C mais de mauvaises performances à la carte D alors le SI sera inévitablement chuté et pointera un trouble de l’attention sélective.
-si le sujet obtient de mauvais résultats à la carte C ainsi qu’à la carte D, alors le SI normatif obtenu perd de sa sensibilité. En effet, cela implique que le sujet présente certes une difficulté à inhiber une réponse automatique (D), mais que les autres aspects chutés sont si nombreux (lenteur, manque d’automatisation à la dénomination des couleurs…) que l’on ne peut statuer spécifiquement sur un trouble spécifique de l’attention visuelle.
-si le score de la carte C est mauvais tandis que celui de la carte D est bon, le SI sera excellent : cela relèverai alors davantage d’un manque d’adaptation à la nouveauté (lors du changement de consigne) que d’un trouble de l’attention sélective. Cela sera à confirmer avec d’autres tests impliquant les fonctions exécutives.
Dernières remarques
L’effet Stroop peut être biaisé si l’enfant use de stratégies pour éviter l’interférence du texte écrit sur les couleurs (retourne la feuille, louche ou plisse les yeux…) ainsi qu’en cas d’atteinte sensorielle (au niveau visuel) et/ou d’un traitement perceptif particulier (Daltonisme, Trouble du Spectre de l’Autisme…).
Nous précisons également que l’investigation des composantes attentionnelles (et à fortiori celui des fonction exécutives « froides » faisant uniquement référence aux fonctions cognitives) fait principalement parti du domaine de compétence des neuropsychologues. L’intervention du psychomotricien est pertinente dans la mesure où l’étude des fonctions exécutives est mise en perspective avec le comportement et la gestion des émotions du sujet. Des dispositifs ludiques peuvent alors être proposés en séance, renforçant conjointement le contrôle moteur et les aspects cognitifs (pour exemple : https://www.psychomotricien-liberal.com/2017/11/16/exercice-psychomoteur-mnemo-moteur/).
Aurélien D’Ignazio & Juliette Martin, psychomotriciens D.E
Bibliographie
Albaret J-M., Migliore L. (1999). Test du Stroop, Manuel. Edition ECPA
Allan, J. R., Gibson, T. M., & Green, R. G. (1979). Effect of induced cyclic changes of deep body temperature on task performances. Aviation, Space, and Environmental Medicine, 50, 585-589.
Bayard, S., Erkes, J. & Moroni, C. (2007). Etude de la validité d’une adaptation francophone du test de Stroop Victoria dans l’évaluation des fonctions exécutives. 1ièreJournées Internationales de Neuropsychologie des Lobes Frontaux et des Fonctions Exécutives, Angers, 1 – 2 octobre 2007.
Cohn NB, Dustman RE, Bradford DC (1984). Age-related decrements in Stroop Color Test performance. J Clin Psychol. 1984 Sep;40(5):1244-50.
Golden C. J. (1978). Stroop Color and Word Test, Wood Dale, Stoelting.
Articles sur le même thème
Influence de la présentation bicolore des mots sur l’effet Stroop (Augustinova & Ferrand, 2007) : https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_2007_num_107_2_30992
Une adaptation francophone (Bayard, Erkes & Moroni, 2009) :http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.475.3053&rep=rep1&type=pdf
Mémoire de psychomotricité : Validité d’un test d’attention sélective chez la personne atteinte de démence : validation pathologique du test de Stroop (Valeille Carole & Matura Marie-Caroline, 2009) : http://www.psychomot.ups-tlse.fr/Valeille_Matura.pdf
Exemples d’applications tablette basées sur l’effet Stroop
The Stroop Effect : https://itunes.apple.com/gb/app/the-stroop-effect/id472707380?mt=8
Circle Match : https://itunes.apple.com/fr/app/circle-match-jeu-intensif-pour-votre-cerveau-dans-votre/id1021353957?mt=8
EncephalApp – Stroop Test : https://itunes.apple.com/fr/app/encephalapp-stroop-test/id589478721?mt=8
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Merci pour les informations
un éclairage très précieux !!!! merci beaucoup !
merci beaucoup pour votre éclairage
Merci de votre retour 😉
Bonjour,
Vous ne dites pas comment calculer la note à comparer aux tableaux donnés en exemple. Serait-il possible d’avoir le calcul à réaliser ?
Bonjour,
il s’agit d’un calcul permettant de transformer une note brute (ensemble des fautes réalisées) en une note standard en se référant aux tableaux fournis dans le manuel.
Je ne comprends pas comment un test, avec tous les détails, soit partagé sur internet, avec le risque d’apprentissage, donc de résultats faussé 🤔
Bonjour,
A qui faites-vous allusion partageant ce test sur internet ?
À vous, qui partagez un test avec tous les éléments. Comme si vous ne connaissiez pas règles régissant des tests standardisés et les risques d’effets d’apprentissage… C’est assez étonnant ( pour être gentille) de la part d’un pro de sante
Merci de votre « gentillesse ».
Aucun test n’a bien entendu été partagé dans tout notre blog et il n’y a qu’à partir des planches officielles qu’on peut véritablement s' »entrainer » si cela est votre crainte.
Les tableaux de cotation n’étant évidemment pas accessibles non plus.
De plus, les familles ne disposent pas d’une liste de tous les tests susceptibles d’être administrés à leur enfant en amont d’une évaluation.
Ils cherchent avant tout à mieux comprendre le fonctionnement de leur enfant et pas à tout prix à fausser d’éventuels résultats en entrainant leurs enfants au préalable comme avant une compétition…
Je rappelle enfin que les entraînements à l’effet stroop, bien connu du grand public, se retrouvent partout sur internet et dans de multiples applications.
pour calculer Le score d’interférence (SI) on doit calculer le score brute de chaque carte, comment le calcule t’on ? ( l’iddée que j’ai eu c’est = nombre de mot lu /45s ). avez vous utilisez cette methode ? et pour le score d’erreur, qui est egale a la somme des hesitation et des erreur (x2) le x2 il est pour les deux ( hesitation et erreur ) ?